Les Tunisiens sont descendus par
milliers, en ce samedi 14 janvier 2012, défiler sur l’avenue Habib
Bourguiba pour fêter le premier anniversaire de la Révolution. Riches,
pauvres, hommes, femmes, et enfants, célèbreront, chacun à sa manière la
première commémoration de la Révolution.
Même une année après l’historique manifestation de 2011, les dissensions
s’affichent, comme sont brandis ces posters géants de personnage
politiques étrangers. Une année après la révolution démocratique, voici
que certains ont la nostalgie de Nasser, Saddam Hussein, et de Staline.
Autant dire, pas vraiment des figures connues pour respecter la liberté
d’expression. Ceux qui défilent aujourd’hui, affichent clairement des
couleurs politiques pas nécessairement en harmonie.
Une année auparavant, tous les Tunisiens étaient unis par un seul but,
un seul slogan (pourtant de gauche, faut-il le rappeler ?) commun :
«pain, liberté, dignité, patriotisme». «Khobz ou ma Ben Ali la» hurlait
la foule, en réponse au «fhemtkom», le «je vous ai compris tardif» du
dictateur.
Mais voici que nos concitoyens avancent désormais en rangs dispersés.
Les étendards et autres banderoles des partis politiques sont plus
nombreux que le drapeau national. Les sympathisants d’Ennahdha sont
arrivés vers 8h du matin, pour s’établir devant le théâtre municipal.
Les Nahdhaouis n’oublieront du reste pas leurs revendications politiques
partisanes, ce jour-ci, puisqu’ils se rassembleront également, plus
loin à Tunis, devant le bâtiment de la télévision nationale, pour exiger
la «neutralité journalistique». Et voici que les supporters de Hizb
Ettahrir, un parti inconnu du grand public avant la Révolution, osent
désormais s’afficher au grand jour, une année après la fuite du tyran,
pour lancer des appels au califat, en agitant leurs drapeaux noirs.
La place Mohamed-Ali, celle où siège l’Union Général des Travailleurs
Tunisiens s’est emplit de monde. Les militants de la première centrale
syndicale du pays se dirigeront après vers l’avenue Habib Bourguiba.
Epaule contre épaule, les Tunisiens se bousculeront dans une avenue
désormais noire de monde, vers le coup de midi. Des slogans contre
l’Emir du Qatar s’élèvent, pendant que d’autres revendiquent des
emplois. La famille élargie de la gauche radicale sera bien présente.
Des militants de la IV Internationale, aux maoïstes, en passant par
l’incontournable Parti Ouvrier Communiste Tunisien (POCT) au Watad…
D’aucuns regretteront cette diversité de vues, affichée de manière aussi
flagrante, avec des banderoles enfonçant le clou de la contradiction.
«Fitna», «discorde» regretteront les plus influencés par l’unanimisme
islamisant. «Reculade aussi réactionnaire qu’obscurantiste» réagiront
les plus sensibles aux sirènes de la gauche. Toujours est-il que la
Tunisie, à voir ses fils qui manifestent aujourd’hui, en ce samedi, peut
s’enorgueillir, tel un diamant, de ses mille facettes. En jeans et
lunettes de soleil signées, en galoches usées, en hijeb ou en décolleté,
les Tunisiennes sont dans la rue. Et si l’unité sacrée s’était
constituée pour abattre les remparts de la dictature, quoi de plus
normal, une année après, que de laisser exprimer toutes les diversités,
pour en finir et oublier définitivement la dictatoriale unanimité, la
morbide uniformité.
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