«Après la première nuit de voyage, l’eau a commencé à entrer dans le fond», raconte Mohamed. «On a passé le reste du voyage à vider l’eau avec une bouteille»
Un comble. Zied avait réussi à passer en France. Vaincu l’enfer de Lampedusa, surmontée la galère des trains jusqu’à Vintimille. Il avait réussi à rejoindre son père à Paris, clandestinement. Mais quand il a entendu que l’Italie distribuerait des permis de séjour aux personnes ayant fui la Tunisie entre le 1er janvier et le 5 avril, Zied a repassé la frontière. L’occasion d’être régularisé était inespérée. «J’étais heureux», témoigne-t-il aujourd’hui, amer. La suite de l’histoire est désormais connue. Paris refuse de reconnaître les titres de séjour italiens comme des laissez-passer pour l’espace Schengen, et donc pour la France.
La mort dans l’âme, Zied a donc retrouvé ses compagnons d’infortune à Vintimille. Ceux-là mêmes qui, par un soir glacial de janvier, ont pris la mer à Tabarka, dans le Nord de la Tunisie. Une vieille barque comme seul salut, sur laquelle ils se sont entassés à quatre-vingts. «Il fallait fuir», raconte Zied. «Il n’y a pas de travail, et surtout, c’est dangereux.» Depuis la chute de Ben Ali, tous racontent l’insécurité, les règlements de comptes, la violence qui ensanglante les rues du pays. Zied explique qu’il a perdu sa mère au début de l’année. Une balle perdue. «Je dois gagner de l’argent pour faire vivre mes sœurs restées au village», explique-t-il. Il a donc quitté Douz, dans le Sud de la Tunisie, pour rejoindre Tunis. Puis Tabarka, où un passeur lui a proposé, comme à d’autres, une place pour l’Europe. Un rêve à 1000 euros. Toute une vie d’économies.
«Lampedusa, c’était l’enfer»
Farid, un des passagers clandestins, sort son téléphone portable pour montrer des photos de leur odyssée. Le «bateau» dont ils sont si fiers n’est qu’un vieux rafiot dont on se demande bien comment il peut encore flotter. «Après la première nuit de voyage, l’eau a commencé à entrer dans le fond», raconte Mohamed, dans un français hésitant. «On a passé le reste du voyage à vider l’eau avec une bouteille», se souvient-il. Il demande alors à son ami Farid de déclencher une vidéo sur son mobile. On y voit Mohamed et d’autres hommes se démenant pour éviter un naufrage annoncé. Terrifiant.
La traversée dure deux jours et deux nuits. Les migrants n’ont ni eau ni nourriture. Au matin du troisième jour, toujours aucune terre en vue. Ils décident d’appeler la police italienne, qui vient à leur secours. Ils pensent alors que leur calvaire touche à sa fin. «Mais Lampedusa, c’était l’enfer», raconte Karim, qui vient de se joindre à la conversation. Le centre d’accueil des migrants est surpeuplé. Les conditions sanitaires sont déplorables. Ils vivent donc avec soulagement leur transfert vers le centre de Trapani, en Sicile. «Là, c’était la liberté», sourit Mohamed, qui tempère : «Sauf pour les macaronis.» La tablée explose de rire. Il semblerait que la nourriture systématiquement servie aux migrants ait fini par lasser...
Et puis c’est la dernière ligne droite. Palerme, Naples, Gênes... Deux jours de voyage en train à travers toute la péninsule italienne. «Avec des billets», précise Karim. Une ascension stoppée net ici, à Vintimille, aux portes de la France. Leur dernière frontière.
Un comble. Zied avait réussi à passer en France. Vaincu l’enfer de Lampedusa, surmontée la galère des trains jusqu’à Vintimille. Il avait réussi à rejoindre son père à Paris, clandestinement. Mais quand il a entendu que l’Italie distribuerait des permis de séjour aux personnes ayant fui la Tunisie entre le 1er janvier et le 5 avril, Zied a repassé la frontière. L’occasion d’être régularisé était inespérée. «J’étais heureux», témoigne-t-il aujourd’hui, amer. La suite de l’histoire est désormais connue. Paris refuse de reconnaître les titres de séjour italiens comme des laissez-passer pour l’espace Schengen, et donc pour la France.
La mort dans l’âme, Zied a donc retrouvé ses compagnons d’infortune à Vintimille. Ceux-là mêmes qui, par un soir glacial de janvier, ont pris la mer à Tabarka, dans le Nord de la Tunisie. Une vieille barque comme seul salut, sur laquelle ils se sont entassés à quatre-vingts. «Il fallait fuir», raconte Zied. «Il n’y a pas de travail, et surtout, c’est dangereux.» Depuis la chute de Ben Ali, tous racontent l’insécurité, les règlements de comptes, la violence qui ensanglante les rues du pays. Zied explique qu’il a perdu sa mère au début de l’année. Une balle perdue. «Je dois gagner de l’argent pour faire vivre mes sœurs restées au village», explique-t-il. Il a donc quitté Douz, dans le Sud de la Tunisie, pour rejoindre Tunis. Puis Tabarka, où un passeur lui a proposé, comme à d’autres, une place pour l’Europe. Un rêve à 1000 euros. Toute une vie d’économies.
«Lampedusa, c’était l’enfer»
Farid, un des passagers clandestins, sort son téléphone portable pour montrer des photos de leur odyssée. Le «bateau» dont ils sont si fiers n’est qu’un vieux rafiot dont on se demande bien comment il peut encore flotter. «Après la première nuit de voyage, l’eau a commencé à entrer dans le fond», raconte Mohamed, dans un français hésitant. «On a passé le reste du voyage à vider l’eau avec une bouteille», se souvient-il. Il demande alors à son ami Farid de déclencher une vidéo sur son mobile. On y voit Mohamed et d’autres hommes se démenant pour éviter un naufrage annoncé. Terrifiant.
La traversée dure deux jours et deux nuits. Les migrants n’ont ni eau ni nourriture. Au matin du troisième jour, toujours aucune terre en vue. Ils décident d’appeler la police italienne, qui vient à leur secours. Ils pensent alors que leur calvaire touche à sa fin. «Mais Lampedusa, c’était l’enfer», raconte Karim, qui vient de se joindre à la conversation. Le centre d’accueil des migrants est surpeuplé. Les conditions sanitaires sont déplorables. Ils vivent donc avec soulagement leur transfert vers le centre de Trapani, en Sicile. «Là, c’était la liberté», sourit Mohamed, qui tempère : «Sauf pour les macaronis.» La tablée explose de rire. Il semblerait que la nourriture systématiquement servie aux migrants ait fini par lasser...
Et puis c’est la dernière ligne droite. Palerme, Naples, Gênes... Deux jours de voyage en train à travers toute la péninsule italienne. «Avec des billets», précise Karim. Une ascension stoppée net ici, à Vintimille, aux portes de la France. Leur dernière frontière.
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